Canyon de La Larri, vallée de Pineta

Récit de Mateo :

Après une chaude saison dans l’eau turquoise des canyons de la Sierra de Guara et poussés par un élan de découverte et d’aventure, autour d’un demi de fin de journée et face à un sunset des plus remarquables sur la terrasse de Bierge, Guillaume, Alice et moi-même, dissertions de notre soif d’apprentissage et de nouveauté :

«  Ah ! La Sierra c’est mignon ! L’eau est douce, le débit se calme et le temps nous invite à la baignade mais, Mateo, va falloir que tu te fasses brasser un peu un de ces jours si tu veux avancer ta liste ! L’eau bien froide et les cascades aériennes c’est pas ton fort non ? »

Effectivement c’est pas mon fort… Mais là, je n’avais qu’une envie : me faire brasser et tirer des bons gros rappels gazeux !

Profitant d’une remontée expresse de Guillaume vers la France, nous prenons la route derrière lui et notre halte aventureuse se fait aux confins de la Vallée de Pineta dans le massif du Mont Perdu, à 20 minutes de la frontière Espagne/France. Après quelques coups de téléphone et un peu de recherche sur les différents topos, nous repérons notre cible ; Le canyon de La Larri.

Deux heures de marche d’approche depuis le parador de Pineta, cinq heures de descente à partir de 2050m d’altitude, un enchaînement de 22 cascades des plus spectaculaires dont deux de plus de 50 mètres, sur plus de 400 mètres de dénivelé et 1400 mètres de long ; une marche retour d’une heure par le même sentier qu’à la montée ; un des canyons les plus beaux et reconnus des Pyrénées offrant une expérience de canyoning unique en haute altitude au pied du majestueux Mont Perdu.

Il n’en a pas fallu davantage pour que l’eau limpide des quelques cascades référencées dans les topos ne nous monte à la bouche. Après quelques tchecks météo et discussions essentielles, nous remballons notre matériel encore mouillé de la veille et posons le camp au pied de la muraille de Pineta. Il pleut, mais rien de méchant, le lendemain, le temps était annoncé beau la majeure partie de la journée et nous nous endormons confiants.

Déroulé du canyon

Réveil à 6h30 pour Guillaume, notre ami-guide-mentor toujours à l’affût et motivé et qui nous a malgré lui épargné le pliage du matos imbibé de la nuit qui « séchait » tant bien que mal dans le sous-bois à côté.

À 7h40 Alice et moi daignons sortir nos têtes de notre chaleureux cocon qu’il a été quelque peu compliqué de quitter ce matin-là. Nous guettons le temps et les nuages qui apparaissent stables et partons ; il est 8h30.

Nous entamons notre virée matinale par un agréable sentier serpentant gracieusement dans l’immensité humide de la forêt de hêtres qui nous domine et nous accompagne pour une cinquantaine de minutes. Après quelques débats matinaux et divers échanges de compagnons d’aventure, nous arrivons sur les alpages de la vallée de Pineta et dépassons le refuge de Llanos de la Larri. Il est 9h25, au loin nous apparaissent, encaissées et superbes, les dernières cascades de la Larri que nous devons rejoindre pour continuer notre approche, quelque peu labyrinthique, vers la première cascade du canyon qui serait notre entrée.

La recherche de l’itinéraire de montée en rive gauche du canyon nous a pris très légèrement plus de temps que prévu et nous arrivons dans le lit de la Larri pile à l’heure pour manger.

Après un très agréable casse-croûte quasiment les pieds dans l’eau et face aux vestiges du glacier du Mont Perdu, nous enfilons les combis et c’est Guillaume qui part en tête installer la main courante nous permettant d’accéder à la première et la plus haute cascade du canyon. Pour assumer son statut de mentor, Guillaume nous explique et rappelle quelques savoirs et connaissances essentielles dans ce genre d’environnement ; après concertation, c’est moi qui m’élance dans ce premier rappel, pas des plus gazeux, mais d’une ambiance montagne fantastique et d’une beauté sans conteste. Alice et Guillaume me rejoignent dans cette ambiance déferlante, heureux et prêts à se faire éclabousser la figure pour les au moins 3 ou 4 prochaines heures de notre après-midi.

Début du canyon

L’eau est froide, douce et agréable, elle nous permet d’apprécier de façon peu commune l’air frais et pur de ce décor Pyrénéen qui nous offrait même quelques rayons de soleil dans l’étroite gorge qui nous encerclait.

La seconde cascade, plus aérienne et d’une hauteur de 25 mètres nous propose une mise à l’eau furtive et ma foi fort rafraîchissante. Sa descente nous plonge un peu plus dans le décor et dans l’ambiance que dégage l’environnement dans lequel nous évoluons.

Après quelques petits ressauts et rappels de quelques mètres, nous découvrons la spécificité et la beauté sauvage de ce canyon, timidement caché dans l’immensité de ce vaste paysage montagneux. Sur notre chemin, verdure, roches sculptées, polies par le temps et le rythme des saisons, rares fleurs d’altitude et le cri des marmottes en arrière plan… Nous sommes complètement immergés dans une nature vivante et quasiment immobile.

La descente du canyon de la Larri offre des enchaînements de cascades et de rappels, plus ou moins hauts et impressionnants, entrecoupés de quelques passages de marche où le canyon s’élargit. Ces différents passages nous permettent la découverte de ce lieu sous une lumière et une verdure plus vives et contrastée que dans les étroits passages dont il est constitué.

Victimes et responsables collectivement d’un très léger retard dans notre approche de ce canyon, nous avons très rapidement adoptés une stratégie d’organisation et de répartition des rôles afin d’optimiser au maximum notre avancée et d’éviter un quelconque retard supplémentaire : dans ce genre d’activité, le temps et sa gestion sont des facteurs les plus importants et ne sont pas à négliger.

Guillaume avançait en ouvreur, installait les mains courantes quand cela était nécessaire et s’appliquait à poser, de façon machinalement professionnelle, les différents rappels que nous enchaînions ; moi, je descendais en premier, à chaque fois, j’étais l’appât jeté dans les déferlantes tonnes d’eau limpide qui nous brassaient et nous chatouillaient le néoprène depuis quelques heures déjà, mon rôle étant d’analyser et de transmettre à Guillaume et à Alice les différentes embûches qui les attendraient ou non au cours des différents rappels ; Alice, entre Guillaume et moi, avait pour mission de se familiariser avec les rappels mouillés, dans les cascades, qu’elle n’avait encore jamais eu l’occasion de pratiquer, du moins dans de telles proportions.

Une fois arrivés en bas, dans les bouillions plus ou moins aquatiques, Guillaume traçait devant, tel un poisson dans l’eau à la recherche du prochain rappel pendant, qu’Alice et moi, nous nous relayions pour ré-enkiter les cordes dans les sacs que nous nous échangions à chaque passage.

Ici, on peut nous observer, Alice et moi, dans un des rappels annotés « techniques » de par un passage immergé laissant la mince possibilité de s’y coincer le pied et donc de s’y bloquer.

Alice a choisi la solution de « prise de risques » en évoluant dans le débit et le jet de l’eau, très certainement peu convaincue par ma souple tentative d’évitement en grand écart… qui pourtant est passée sans problème. Question de taille dira-t-on !

Relai 20 – Une cascade magnifique en deux parties qui nous a éclaboussés copieusement dès les premiers mètres de descente. Cette cascade est l’une des plus belles que j’ai pu découvrir dans ce canyon : une arrivée aquatique et turbulente sous une pluie de grosses gouttes jaillissant de toute part, le fracas impressionnant de la cascade sur le rocher qui lui fait face en contrebas (à notre gauche sur les photos). Ce rappel fut l’avant goût de la beauté quasiment irréelle que nous allions découvrir quelques mètres plus loin.

Après quelques passages assez « détente » et une petite marche labyrinthique au sein du dernier chaos du canyon de la Larri, nous arrivons au plus impressionnant et fantastique rappel de cette journée. D’en haut, une longue et vertigineuse cascade, ne dévoilant que sa partie supérieure, occultant mystérieusement son arrivée comme par timidité ou pour surprendre pudiquement ceux s’y aventurant pour la première fois. Après quelques dizaines de mètres sur un rocher gracieusement sculpté, la cascade se raidit et me plonge dans un univers humide, vert et presque irréel ! De longues herbes et des feuillages ruisselants de toute part se dessinent sous le Vibram de mes chaussures. à ma gauche une cavité obscure, ornée d’une pluie de gouttes se mêlant aux différents reliefs du rocher, à ma droite la puissance fracassante de la cascade dont je reçois, à intervalles réguliers, quelques petits mètres cubes d’eau sur l’épaule…

Ce rappel mesure 54 mètres et à chaque dizaine de mètres descendue, un monde et une ambiance différente nous englobe. L’arrivée de cette cascade est un concert de la nature, le souffle de la cascade mêlé au fracas de chaque gouttelette s’écrasant puissamment dans le bassin bleu et blanc m’a personnellement complètement déconnecté du monde pendant quelques furtifs instants. L’élément domine et on le sent, au pied de cette écrasante et majestueuse cascade !

C’est pour ma part le plus beau et impressionnant rappel que j’ai pu faire de toute ma vie et son ambiance enivrante et farfadesque me restera en mémoire pour un bout de temps je pense.

Tels des aventuriers conquérants, nous nous sommes frottés à l’écrasante déferlante au prix de quelques courbatures aux épaules par la suite, le fouet des gouttes arrivant des 54 mètres qui nous dominaient nous a fait réaliser la place que nous occupions au sein de cette froide et magnifique nature ! Celle de touristes, amoureux et silencieux, observateurs et contemplateurs d’un élément hors-norme et gorgé de secrets : la montagne !

La dernière cascade de ce périple nous a offert une bonne douche bien pulsée qui nous surplombait et fusait, telle un jet retenu qu’on libère. C’était la cascade qu’on apercevait le matin même en arrivant sur les alpages de Pineta ; elle est grande, puissante et esthétique et c’est avec une joie de fin et un pincement de « c’est déjà fini… » que nous arrivons en son bouillon, cuvette après cuvette, et que nous réalisons que c’est la fin de notre aventure.

Quelques promeneurs nous observaient, amusés et étonnés de nous voir débarquer de ces trombes d’eau ; relativement déconnectés, nous quittons le lit de la rivière, remballons nos cordes, trouvons un rocher pour nous débarrasser et regardons l’heure. Il est 16h : nous avons donc mis 2 heures de moins qu’indiqué sur les topos ! Quelle surprise quand le déroulé des évènements nous mettait plutôt en défaut au début de la journée. La méthode de Guillaume et notre stratégie commune avait donc portée ses fruits et nous nous trouvions fin prêts à redescendre vers la pinte de fin d’aventure que nous nous étions promise le matin !

Après un petit en-cas et le retrait fort agréable de nos secondes peaux de néoprène, nous empruntons donc, sous les pesants nuages, bas et lourds, et quelques gouttes timides, le chemin que nous avions foulé quelques heures auparavant, dans le sens inverse, en direction de cette enchanteresse forêt de hêtres qui tapisse le fond de la vallée de Pineta. Notre arrivée aux camions se fit sous la pluie, juste avant un déluge fort peu agréable ; timing parfait !

Ayant enfilé des vêtements secs et « rangé » tout le matériel dans le camion de Guillaume, nous descendions tranquillement vers la civilisation ; objectif pinte et burger au programme, nous dégustions notre soirée d’aventuriers, lessivés et comblés, remplis de bons souvenirs et d’une pointe de fierté !

Mille mercis à Guillaume, notre ami-guide-mentor, pour cette sortie hors norme et cette aventure à couper le souffle, on se sera bien marrés et on aura bien chahuté tous ensemble !

Hâte de revenir pour de nouvelles aventures !!

Remerciements

Merci à Mateo pour son récit de cette belle aventure commune ! Un canyon qui en appelle beaucoup d’autres, à très vite pour de nouvelles virées en montagne !

Merci à Alice pour sa bonne humeur !

En équipe ça avance toujours mieux et surtout c’est beaucoup plus sympathique.

1 Comment

  • On lit ce très beau récit comme un très bon livre dans lequel on a envie de plonger 🙂 On y vit l’arrivée sur la beauté irréelle. Merci pour le partage.

    Christine 3 octobre 2022

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